La rénovation, un enjeu majeur pour le bâtiment

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Plus encore que la construction neuve, la rénovation énergétique des bâtiments est une nécessité pour atteindre la neutralité carbone. Figurant parmi les priorités du plan de relance, elle constitue aussi une belle opportunité d’innovation, de création d’emplois et d’amélioration de la qualité de vie. 

Lorsqu’on pense au bâtiment durable, on pense immédiatement aux nouveaux modes de construction dans le neuf. D’autant que la réglementation RE2020, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2022, fixe, au-delà des objectifs de sobriété énergétique, des critères de diminution de l’empreinte carbone de la construction et une prise en compte du cycle de vie des matériaux. 

Mais là n’est peut-être pas le plus gros enjeu du secteur face à la nécessité de réduire drastiquement les consommations d’énergie et de matière. « Sur ces aspects, l’enjeu n’est pas tant celui de la construction que celui de la rénovation. La France compte 35 millions de logements. On en construit 350 000 neufs tous les ans, qui répondent aux critères de la RT2012. On en rénove 300 000 par an mais à peine 10% de ces rénovations affichent un niveau énergétique suffisant pour atteindre les objectifs bas carbone. C’est un sujet majeur : comment accélérer et massifier la rénovation énergétique en France pour se mettre sur la trajectoire d’une neutralité carbone ? Nous sommes en retard car le marché demande assez peu de rénovation énergétique », constate Frédéric Betbeder, responsable des services innovants à Nobatek Inef4, l’Institut de la Transition Energétique dédié au secteur du Bâtiment à Anglet.

Un constat partagé par David Sinnasse, ingénieur en construction durable pour le cluster néo-aquitain de l’éco-habitat Odeys. « La rénovation devrait être le sujet principal de la construction durable car il répond à plusieurs enjeux : le climat, la pollution, les déchets mais aussi le développement territorial, l’emploi, la solidarité, la lutte contre la précarité et même la culture et le patrimoine. On parle aujourd’hui beaucoup des énergies renouvelables mais sans sobriété, cela ne suffira pas. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a des solutions qui fonctionnent dans la construction, notamment la rénovation ». 

Réemployer les matériaux

La rénovation durable apporte des réponses pertinentes sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique et la gestion des ressources, et en particulier des matériaux. Logiquement, un bâtiment réhabilité va utiliser moins de matériaux qu’une construction neuve. Surtout, certains matériaux peuvent être réemployés pour d’autres usages. C’est partant de ce constat qu’Olivier Hirigoyen et Julien Simon ont créé en 2019 Patxa’ma, une structure associative (bientôt transformée en SCIC) qui œuvre à collecter et réemployer les matériaux sur des chantiers de construction ou de rénovation. « Notre cœur d’activité, c’est la déconstruction. Nous intervenons avant une démolition ou une rénovation pour déposer proprement les matériaux, avant de les remettre en état et de les revendre à prix solidaire. Cela concerne tout ce qui peut être valorisable : fenêtres, portes en bois, luminaires, plomberie… nous travaillons aussi avec un démolisseur partenaire pour la pierre », explique Olivier Hirigoyen. « Nous vendons autant aux particuliers qu’aux professionnels, qui s’y intéressent de plus en plus dans un contexte de pénurie des matériaux et de flambée des prix ».

La structure, qui travaille avec des bailleurs sociaux, des communes et la Communauté Pays Basque, espère bientôt pouvoir créer un magasin du réemploi pour donner plus de visibilité à cette solution d’économie circulaire. Elle a déjà pu créer trois emplois et donne un bel exemple des perspectives que peut offrir la rénovation en matière de création d’activité et d’emplois locaux. 

Création d’emplois

Car la rénovation durable peut constituer une clé de développement économique local et de montée en compétences. « La réhabilitation demande plus d’intelligence que le neuf. Elle nécessite d’avoir une connaissance de l’existant plus fine, avec des diagnostics poussés, une montée en compétence, depuis la conception jusqu’à la réalisation. Dans la rénovation, le coût des projets se déplace des matériaux vers la main d’œuvre qualifiée », note David Sinnasse.

Le cluster Odeys propose d’ailleurs des formations techniques qui s’adaptent particulièrement à la réhabilitation, notamment sur l’économie circulaire et les éco-matériaux. « Nous avons la chance d’avoir des entreprises qui sont compétentes et savent mener des travaux de rénovation énergétique à l’échelle d’un bâtiment. Il faut que ces PME puissent se structurer pour répondre à plusieurs à un gros marché sur lequel elles n’auraient pas pu se positionner seules. Avec le plan de relance, qui prévoit d’importantes opérations de rénovation énergétique sur les bâtiments publics ou les universités, et la mise en œuvre de Ma Prime Rénov, cela va devenir un moteur économique important. Pour cela, les maitres d’ouvrage qui ont des bâtiments à rénover doivent être ambitieux et lancer les travaux de rénovation énergétique, comme le font par exemple les bailleurs sociaux », souligne Frédéric Betbeder. 

Un enjeu social

Si elle participe à lutter contre le réchauffement climatique, la rénovation porte également des réponses aux grands enjeux sociétaux, comme l’accès au logement ou la qualité de vie. Les actions menées par les lauréats du prix Pritzker 2021, Anne Lacaton et Jean Philippe Vassal, le montrent : leurs travaux de réhabilitation du bâti existant, comme à la cité du Grand Parc à Bordeaux, ont non seulement permis d’améliorer l’efficacité énergétique des logements mais aussi de redonner de la qualité de vie, en créant des jardins d’hiver et des balcons sur les façades de ces immeubles des années 1950. Ils montrent aussi l’importance de penser la rénovation à grande échelle. Pour Frédéric Betbeder, « l’enjeu de demain, ce ne sera pas de rénover bâtiment par bâtiment mais plutôt des ilots, voire même des quartiers entiers. L’efficacité énergétique va se construire dans un cadre plus global. La performance énergétique permet d’apporter de nombreux bénéfices, dans une optique de requalification urbaine. La question énergétique est fondamentale mais elle ne peut pas être considérée seule. Elle participe d’une démarche plus large qui passe aussi par l’appropriation et l’association des habitants au projet ». 

Une massification de la rénovation

Alors que la rénovation doit nécessairement s’accélérer, la question de l’évolution des modes de construction se pose. Au sein du cluster Odeys, le projet EnergieSpong vise justement à massifier les rénovations énergétiques dans une approche semi industrielle qui fait appel au numérique et à la préfabrication. De son côté, Nobatek met en place une méthodologie d’accompagnement des collectivités dans leur plan de rénovation à l’échelle de quartiers et s’apprête à industrialiser sa solution Batisol, une façade qui permet de conjuguer isolation et la production d’énergie solaire. On peut également citer le studio d’architecture Tikoam, hébergé au Générateur d’activités Arkinova, qui développe des produits de second œuvre et de gros œuvre sur-mesure, en utilisant la puissance des outils numérique. Autant d’exemples qui montrent que la rénovation durable est aussi source d’innovations.  

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