« Toute entreprise qui se crée doit s’intégrer à l’environnement »

Entretien avec Vincent Collet, directeur et fondateur de l’agence d’éco-innovation Think + qui accompagne les entreprises, de la start-up au grand groupe, dans l’intégration de pratiques de développement d’affaires et d’innovation responsable.

L’entreprise à impact est-elle l’entreprise de demain ?  

Selon moi, la raison d’être d’une entreprise est de créer de la valeur et répondre à un besoin de la société. L’entreprise à impact est-elle l’entreprise de demain ? Attention au risque de voir ce terme galvaudé. Parler d’entreprise à impact, c’est le risque de voir une « course a l’échalote » pour justifier cet impact. En revanche, le contexte de crises multiples va amener les entreprises à se réinventer dans l’urgence.

Dans nos accompagnements, nous constatons que les entreprises commencent à intégrer la dimension environnementale dans le choix de leurs process industriels, pour des raisons réglementaires, sociétales, de ressources humaines et bien sûr énergétiques, la crise actuelle faisant l’effet d’un accélérateur. Il y a aussi une prise de conscience de plus en plus forte des dirigeants, notamment des plus jeunes. L’actualité estivale nous fait ressentir que les choses ne seront plus pareilles. Et pour les entreprises, l’enjeu est de maîtriser les risques, notamment climatique et énergétique, sur leur chaîne de valeur, en amont comme en aval. Ce sont des enjeux d’anticipation et de préparation.

Même si on est encore loin de ce qu’il faudrait faire, l’opinion publique et le monde économique vont aujourd’hui plus vite que les pouvoirs publics dans cette prise en compte. C’est eux qui feront bouger le politique pour s’adapter au monde à venir. Aujourd’hui, on peut faire du business en minimisant ses impacts. C’est même une nécessité. Toute entreprise qui se crée doit s’intégrer à l’environnement. Une entreprise qui ne le fait pas n’a pas vocation à survivre.

Comment accélérer la mutation des entreprises vers la prise en compte des impacts ?

Il y a plusieurs facteurs. Par exemple, les fonds d’investissement demandent des garanties sur l’environnement, ce qui nécessite de mesurer cet impact et de mener une réflexion sur la maitrise de la chaine de valeur d’un point de vue environnemental.

Les entreprises qui étaient déjà dans cette démarche renforcent leurs engagements en ne travaillant plus seulement sur leur périmètre mais au delà, en amont et en aval de leur chaîne de valeur, pour répondre à des enjeux de transparence. En amont, plus vous maîtrisez votre chaine de valeur, mieux vous gérez vos coûts et vos impacts. En aval, c’est la relation à l’usager qui est repensée. De nouveaux entrants  arrivent avec des pratiques plus vertueuses et une plus forte intégration des éléments environnementaux, ce qui crée une émulation et pousse les autres.

Au niveau RH, cela devient aussi un pré-requis, au même titre que la liberté salariale. Aujourd’hui, l’environnement fait partie, comme le numérique, des mutations organisationnelles de l’entreprise. C’est l’un des gros chantiers de l’entreprise. Ce n’est pourtant pas le premier à être mis en œuvre, car il est complexe et nécessite une approche au cas par cas.

Est-il plus facile d’évoluer quand on est petit ? 

C’est évident. Dans une grande entreprise, on peut avoir une direction motivée, des collaborateurs opérationnels prêts à bouger mais les rouages de la machine reposent sur les middle managers qui ont plutôt l’habitude de travailler avec des données économiques et non pas environnementales. A contrario, dans les PME, les liens sont directs entre le dirigeant et l’équipe. L’un des principes de bases de la transition dans les entreprises, c’est d’acculturer le maximum de personnes et de renverser les croyances antérieures. Plus il y a de monde dans une organisation, plus c’est difficile.

Quelle valeur donner aux labels « responsables »?

Ces labels permettent de faire avancer les choses, poussent les entreprises à être plus performantes d’un point de vue environnemental. Pour autant, certains critères sont déconnectés de la vie pratique d’une entreprise. C’est inhérent à tout système passant par une grille de notation. Vous avez aussi des entreprises qui n’ont pas de label et qui ont pourtant des démarches vertueuses. Je vais prendre l’exemple de Bastidarra. L’entreprise connaît tous ses éleveurs, travaille dans une volonté de croissance tout en agissant de manière responsable, en optimisant ses ressources et avec la satisfaction de bien faire son travail. L’enjeu est de revenir à un fonctionnement à taille humaine et surtout, à avancer. L’objectif aujourd’hui est que les entreprises ne reculent pas et ne freinent pas.  Ensuite, chacune fait au mieux pour avancer par rapport à ses enjeux et à ses moyens.

Le Pays Basque a-t-il des atouts pour cela ?
Si la prise de conscience est là, oui. Le plus gros enjeu, c’est la prise de conscience. J’ai vu certains entrepreneurs prendre rapidement conscience des choses et agir. C’est cela qui est important.

Ensuite, la deuxième étape est la sensibilisation et la connaissance de la chaine de valeur. A partir de cela, on peut engager le troisième axe, celui de l’action.

Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises veulent agir de manière responsable. C’est devenu un asset stratégique. D’ailleurs, nous intervenons aujourd’hui dans les strates dirigeantes, au niveau décisionnel, alors qu’il y a 10 ans, nous étions cantonnés au niveau QHSE. Si on veut agir de manière soutenable dans une entreprise, il faut que cela soit intégré au niveau stratégique. Par exemple, un produit éco-conçu nécessite des choix stratégiques, de fournisseurs… Ce sont des décisions qui remettent en cause l’organisation d’affaires. Les entreprises qui veulent produire et faire autrement engagent un véritable changement de paradigme. Elles sont de plus en plus nombreuses à le faire.

L’évolution des règlementations va t-elle accélérer les choses?

Bien sûr. Si l’on prend l’exemple de la règlementation sur la fin de vie des produits, les entreprises vont devoir se poser des questions et évoluer, d’autant qu’il y a un risque d’avoir un malus. La règlementation est là pour contraindre, quand les décisions ne sont pas prises. D’ou l’importance d’anticiper. La règlementation demande des changements longs (supply chain, solutions techniques) donc des investissements qui impliquent des choix stratégiques. Si aujourd’hui, un chef d’entreprise intègre cela dans sa stratégie, il anticipe les évolutions réglementaires et surtout se met en capacité de connaître ses process et de disposer de données environnementales, qui vont devenir clés. Aujourd’hui, les entreprises ne savent pas toujours ce que contiennent leurs produits, d’où ils viennent. C’est pourtant un enjeu important de la loi AGEC.

Est-ce que l’avenir est local ?

Ce n’est pas aussi simple. On pourrait faire l’analogie entre bio et pas bio. On peut avoir du bio venu du bout du monde qui n’est pas forcément meilleur que du local bien fait. Au contraire, on peut aussi avoir du local avec des pesticides ou des mauvaises pratiques. Le plus important c’est d’être fier de ce que l’on fait, d’être respectueux et en harmonie avec son environnement. Le localisme répond à une partie des enjeux, évite certains impacts comme le transport. Mais là aussi, les solutions qui paraissent plus pertinentes d’un point de vue environnemental ne le sont pas toujours. Par exemple, un meuble fabriqué en Europe et transporté par camion peut avoir un impact environnemental plus important qu’un meuble fabriqué en Asie et transporté par bateau.

Plus globalement, être une entreprise à impact, c’est avoir de la donnée sur ses activités, une conscience par rapport à cela et prendre des décisions en connaissance de cause. C’est se poser des questions et prendre en compte l’environnement dans ses décisions d’affaires pour avoir le moindre impact possible, avec un déploiement en interne et un rayonnement en externe.

Des démarches comme celles engagées par la Communauté Pays Basque (appel à projet éco-innovation, Masterclass éco-innovation) sont-elles nécessaires ?

Oui car elles permettent une prise de conscience et un accompagnement des entreprises dans leurs changements de pratiques. Le territoire a besoin de cela pour être accompagné dans cette dynamique. D’autant qu’une fois qu’on impulse la démarche, le taux de transformation est important. Les entreprises ont souvent peur de se lancer. À partir du moment où elles l’engagent, elles font rarement marche arrière.

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