Un pont pour la recherche

Quatre des huit membres de l’équipe de la jeune start-up Elqano, lauréate de l’édition 2020 de l’Atelier de l’Innovation
Quatre des huit membres de l’équipe de la jeune start-up Elqano, lauréate de l’édition 2020 de l’Atelier de l’Innovation

Alors qu’une récente étude de l’OCDE pointe le retard de la France en matière d’investissement dans la R&D, des start-up de notre territoire, sur la base de projets initiés  par l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et la Communauté Pays Basque, construisent des partenariats entre universitaires, chercheurs, industriels et collectivités. Leur participation à des chaires, en complément de leurs travaux en R&D, constitue un modèle stratégique original et innovant.

L’initiative est singulière. Materr’up, une start-up implantée sur le site Domolandes à Saint-Geours-de-Maremne et spécialisée dans les bétons bas carbone a lancé cette année la chaire Constructerr à l’Institut Supérieur Aquitain du Bâtiment et des Travaux Publics (ISA BTP), en partenariat avec l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA) et la Communauté Pays Basque (1). « C’est la première chaire industrielle européenne dans le secteur du bâtiment qui est portée par une start-up », se félicite Mathieu Neuville, le président de cette jeune entreprise membre du club des 20 start-up françaises « French Tech Green20 », un label visant à faire émerger les champions technologiques de la transition écologique.  

« Nous travaillons avec le laboratoires SIAME (Sciences pour l’ingénieur appliquées à la mécanique et au génie électrique, ndlr) de l’ISA BTP pour caractériser et valoriser au mieux les propriétés uniques de nos bétons d’argile dans le bâtiment et l’aménagement urbain, détaille Mathieu Neuville. Avec nos partenaires, l’UPPA et la Communauté Pays Basque, nous sommes convaincus que c’est ensemble que nous allons faire bouger les lignes dans l’enseignement, mais aussi dans le monde de la construction, avec cette logique d’agilité et de rapidité au regard de l’urgence climatique. Au niveau du modèle, c’est très intéressant car nous avançons avec un maître d’ouvrage, l’Agglo, qui a compris les enjeux du bas carbone, au cœur d’un territoire qui souhaite construire avec des matériaux vertueux et locaux. » 

« La R&D, le moteur de nos innovations »

Fédérer le monde industriel et l’excellence académique, c’est donc l’ambition de Materr’up, qui assure à hauteur de 55% le financement de cette chaire. Le travail de cette dernière consiste à étudier les propriétés des nouvelles générations de béton en termes de confort hygrothermique et de qualité de l’air, mais aussi de recyclabilité et de modélisation. « Il y a deux piliers chez nous, l’un industriel, l’autre tech, souligne son président. La R&D fait donc bien sûr partie de notre ADN et constitue le moteur de nos innovations. Elle nous permet de réduire l’impact environnemental du BTP et de ses procédés. » 

Pour trouver un autre exemple d’implication d’une start-up dans une chaire industrielle, direction le site technopolitain Izarbel, à Bidart. C’est ici que travaillent les huit membres de l’équipe de la jeune start-up Elqano, lauréate de l’édition 2020 de l’Atelier de l’Innovation, qui bénéficie ainsi d’un accompagnement financier de la Communauté Pays Basque et personnalisé de la Technopole Pays Basque. Elqano commercialise un logiciel qui facilite le partage de connaissances dans les grandes entreprises. « C’est un mécanisme très simple pour l’utilisateur, précise son fondateur et président Yann Echeverria, mais qui demande beaucoup de R&D sur les algorithmes pour comprendre l’intention de la personne qui pose une question et trouver la bonne personne qui peut lui répondre dans des organisations où travaillent plusieurs milliers de personnes et circulent plusieurs millions de documents. Nous créons donc des ponts entre les équipes. »

Un partenariat gagnant-gagnant

Après deux premières années consacrées au développement d’un prototype, la jeune pousse bidartar s’est mise en quête de nouvelles collaborations. Après avoir embauché un docteur en intelligence artificielle, elle a intégré l’équipe de chercheurs et d’industriels de la chaire OpenCEMS de l’UPPA, basée sur le campus Montaury. « Une partie de notre travail est mis à disposition de la communauté scientifique, sous forme de publications ou de données, rappelle Richard Chbeir, qui dirige cette chaire et le laboratoire informatique de l’UPPPA. En même temps, nous accompagnons les acteurs locaux pour améliorer leurs solutions actuelles et leur permettre d’avoir un modèle économique beaucoup plus riche. » Un partenariat gagnant-gagnant, plaide Yann Echeverria : « Notre participation à cette chaire positionne Elqano comme un acteur à part entière de l’écosystème de la recherche dans la région. C’est une valeur ajoutée en terme de légitimité. Derrière Elqano, une jeune start-up, les grands comptes constatent qu’il y a une équipe d’ingénieurs et de chercheurs, mais aussi un partenariat avec le monde universitaire, via un laboratoire de recherche.  Grâce à cette expérience, nous accélérons notre R&D pour améliorer la pertinence de nos algorithmes de compréhension du langage et d’analyse des données de l’entreprise. » Le jeune dirigeant souligne également le rôle de veille technologique jouée par la chaire OpenCEMS (2), forte d’un socle universitaire dont la portée se mesure à l’échelle internationale.

Symbole d’interaction chez MANTA 

Le constat est là. Les chaires s’intéressent aujourd’hui pleinement aux enjeux sociétaux de notre époque, la collecte des données dans un monde hyperconnecté pour OpenCEMS, la transition écologique pour Constructerr. A Anglet, la chaire MANTA (3) est dirigée par Susana Fernandes. Cette chaire concentre quant à elle son activité sur les ressources renouvelables et des biotechnologies bleues... Dans son équipe, Arnaud Petitpas, 26 ans, témoigne de l’interaction entre le monde de l’entreprise et celui de la recherche.  Diplômé du Master Sciences et Génie des Matériaux à l’UPPA, ce physico-chimiste a effectué son stage de fin d’études au sein de la chaire MANTA avant de rejoindre les rangs de la start-up Scale, connue pour développer des matériaux éco-sourcés à partir de co-produits de la mer. « Durant l’année qui s’est écoulée, j’ai fait le pont entre les deux entités, précise-t-il. Ma mission était de travailler sur tous leurs sujets de R&D propres à l’utilisation des écailles de poissons et leur transformation. »

Aujourd’hui chef de projet R&D au sein de la start-up basque, Arnaud Petitpas veut pousser le curseur des applications plus loin. Il a ainsi obtenu un financement du plan France Relance pour réaliser une thèse de doctorat sur l’extraction de collagène d’écailles de poisson pour l’étude et la formulation d’éco-matériaux, projet lui aussi porté par Scale et MANTA. Son ambition ? Développer un nouveau matériau 100% biosourcé à destination de l’industrie de la construction et de l’aménagement intérieur.

« La chaire m’a permis d’élargir mes compétences car j’y ai découvert les matériaux biosourcés, confie Arnaud Petitpas. Je mesure aujourd’hui tout leur potentiel, comme d’ailleurs tout ce qui tourne autour du biomimétisme. Pour cela, la R&D constitue un pont entre la recherche fondamentale et l’industrialisation. Le « scale-up », le changement d’échelle d’une start-up, amène toujours son lot d’imprévus qu’il est nécessaire de surmonter. C’est à ça que sert la R&D ! »

(1) Les autres partenaires sont E2S, Région Nouvelle Aquitaine, ANR, Materrup
(2) Les partenaires sont E2S UPPA, Communauté Pays Basque, Région, Naldeo Technologies & Industries, Elqano, StackinSat
(3) Les partenaires de la Chaire Manta sont E2S, UPPA, Communauté Pays Basque, Laboratoires de Biarritz, Lees, CIDPMEM64-40 et la Région Nouvelle-Aquitaine. 

Le saviez-vous ? 

La Communauté Pays Basque accompagne le développement des chaires de recherche partenariales dans le cadre du programme E2S (ISITE). Elle a ainsi investi plus de 2M€ sur I-Site et 2,25M€ sur le nouvel appel à projets de recherche AIRCE.  La création de ces chaires a en outre permis de recruter de nouveaux chercheurs sur le territoire. 

La chaire partenariale, en clair 

Une chaire partenariale permet de réunir le monde universitaire et le monde socio-économique englobant ainsi entreprises, collectivités et associations, pour des partenariats de longue durée. La chaire peut être constituée d’une ou plusieurs composantes ou laboratoires, une ou plusieurs entreprises, un soutien des collectivités pour porter un projet scientifique avec, à sa tête, un titulaire enseignant-chercheur ou provenant d’un recrutement extérieur. Pour la collectivité et l’Université, une chaire est un moyen de favoriser recherche et formation. Pour les entreprises, cela revêt un enjeu stratégique.   

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