« Avec le vivant dans le bâtiment, il est possible de faire du beau »

Véronique Descharrières, experte de l’architecture du vivant, revient sur la dernière édition de R-Évolution dont elle était la marraine et sur sa pratique architecturale qui vise à reconnecter les usagers et les paysages, à cultiver l’harmonie des milieux vivants.

L’architecture du vivant la passionne. Elle en a fait une force professionnelle. Véronique Descharrières, architecte-urbaniste, vice-présidente de l’Académie d’Architecture, se partage entre l’agence BTuA Paris / NewYork dont elle est associée et codirecteur, et son agence VEDEA à Paris, experte en projets liés aux disciplines du vivant.

Elle était la marraine de la dernière édition de R-Évolution, consacrée à : « la part de vivant dans le bâtiment, une promesse écologique en quête d'équilibre ? ». L’occasion d’aborder cette thématique d’avenir. Et de l’affirmer : le temps est venu pour les bâtisseurs de considérer l’environnement comme un matériau à part entière et d’en faire l’allié d’un enjeu universel. 

Vous qui portez la question du vivant au cœur de vos projets architecturaux avec l’agence VEDEA, quelle définition en donneriez-vous ? 

La question du vivant dans le bâtiment est complexe dans le sens où l’on a l’habitude d’opposer l’inerte – qui serait l’architecture - et le vivant – le paysage. Or, dans le projet de parc zoologique de Paris, où nous devions installer plus de 2 000 animaux à l’intérieur d’une nouvelle structure, il a fallu fusionner ces éléments pour répondre au bien-être des animaux, à la sécurité des animaux, des soigneurs, des visiteurs. Nous avons donc engagé un large travail sur l’architecture d’un environnement. Ainsi, par l’architecture du vivant, il s’agit de dire que l’architecture n’est pas simplement une matière inerte, mais en interconnexion permanente avec le vivant. Prenons l’exemple de la serre tropicale : elle respire, prend de l’air extérieur, permet de réguler les températures. Il y a un phénomène de cycle quasi-organique dans l’architecture aussi. Construire, c’est apprendre à cultiver l’harmonie des milieux vivants.   

Quels autres exemples peut-on donner ?

Quand vous souhaitez climatiser un espace, les ingénieurs préconisent une centrale d’air : des tuyaux, des grilles, on ferme tout. C’était la réponse technologique du XXe siècle. Aujourd’hui, on peut tempérer un espace naturellement à l’aide de plantations, d’un mur végétal - à l’arrière duquel un filet d’eau peut couler -, et qui, selon sa position, sera balayé par le vent. C’est un exemple concret de ce que peut être l’architecture du vivant. On utilise un cycle vivant : le vent, l’eau, l’air, la végétation pour répondre à une fonctionnalité technique classique.

Vous prenez également comme références des projets phares que vous avez menés.  

J’aime à citer le « Yanshan International Ecological World », un projet de renaturation d’une carrière minière dans les montagnes du Yanshan, au nord-est de la Chine. Il a fallu retrouver une cartographie hydrologique, mettre en place de grandes serres pour créer un effet de serre, de la lumière et de la chaleur, pour que les espèces amenées à vivre dans cet espace s’y épanouissent. L’idée était ainsi de favoriser une meilleure symbiose entre l’homme et son environnement.   

J’ai aussi réalisé une villa de verre et d'acier suspendue en quelque sorte dans un parc paysager pour laquelle j’ai reçu le Prix Eiffel. Là encore, nous avons opéré une recherche afin de créer, avec de simples éléments, une expression claire de la beauté architecturale d’un bâtiment.

J’essaie toujours de voir comment reconnecter les usagers avec les paysages, avec l’animalité que l’on a maltraitée au XX e siècle. Je tente de retrouver des partages de territoire plus respectueux. J’ai à cœur de réconcilier l’homme avec son biotope.    

Avec le vivant dans le bâtiment, il est aussi possible de faire du beau.

C’était justement la conclusion à laquelle je souhaitais arriver à la fin du colloque R-Évolution. J’y reprenais une citation de Darwin qui parlait déjà de la beauté.

Alors que l’on a un peu dépassé cette époque technologiste à laquelle les architectes, les ingénieurs ont été confrontés au XXe siècle, j’aimerais que l’on revienne au XXIe siècle à une structure vivante et vitale pour l’architecture, qui soit l’expression même de la beauté telle que l’on peut trouver dans la nature.

Dans mes projets, c’est ce que je cherche : comment créer avec nos outils contemporains une beauté intrinsèque, évidente, pour l’espace dans lequel nous vivons. Je me réjouis du fait que d’autres architectes paysagistes y tendent également.

Aujourd’hui, intégrer le vivant, est-ce un privilège réservé à quelques projets… ou un virage que la filière doit prendre ?  

Dans la conception architecturale et dans l’ingénierie - car il importe de mêler ces ingénieurs qui travaillent sur des solutions d’avenir, comme la résistance technique des coquillages -, tout ce travail devrait avoir un sens donné. Celui de retrouver le code génétique de la beauté tel qu’on peut le voir dans la création des mondes vivants. Je pense vraiment que c’est une reconquête à laquelle le XXIe siècle devrait aboutir.

Comment amener les professionnels à tendre vers ceci ?

Comme toujours, ce sera par l’exemple. Il faut montrer, à travers nos projets, que des solutions fonctionnent. C’est aussi en participant à des rencontres types R-Évolution, pour que cela entraîne un courant fort dans le milieu de la création architecturale. Je souligne d’ailleurs les échanges de très haut niveau opérés ce jour-là avec les professionnels, les étudiants et le public, générant un partage transgénérationnel intéressant. Ces journées participent à ouvrir cette voie vers de nouveaux possibles.

Conférence sur « l’Industrie basque : la nouvelle génération », nuit de l’orientation, visites d’entreprises en Soule…, des rendez-vous et solutions...

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